Pourquoi regarder LES ENFANTS DU PARADIS de Marcel Carné ?

“Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour…” La phrase de Garance, alias Arletty, a traversé les générations, contribuant à faire des Enfants du Paradis l’un des films les plus mythiques du cinéma français. Mythique par son duo de créateurs, Marcel Carné et Jacques Prévert, par l’intensité du jeu de Jean-Louis Barrault, la séduction d’Arletty, la poésie des décors signés Alexandre Trauner, et les difficultés rencontrées pendant le tournage, en pleine Occupation.

Avec le recul, Marcel Carné lui-même reconnaissait sa folie d’entreprendre un film d’une telle ambition à une époque où la France manquait de tout. Poussé par le producteur André Paulve – lui-même convaincu par l’immense succès des Visiteurs du soir, sorti en 1942 –, Carné et Prévert cherchaient une nouvelle idée, quand Jean-Louis Barrault leur fit part de sa passion pour le mime Debureau, vedette du Théâtre des funambules dans le Paris du XIXe siècle. Carné quitta Nice pour Paris, décidé à se documenter sur le sujet, et c’est dans un livre consacré au théâtre qu’il découvrit que le balcon était à l’époque surnommé “le paradis”.

En dépit du contexte difficile, de l’interruption du tournage pendant trois mois sur ordre de Vichy, du stress de la débutante Maria Casares, des pannes d’électricité et du manque de pellicule, le film sortit en mars 1945. Beaucoup plus long que les films de l’époque, il fut présenté en deux parties coupées par un entracte : Le Boulevard du crime, suivi de L’Homme Blanc. 45 semaines plus tard, le public venait toujours aussi nombreux applaudir Les Enfants du Paradis, qui se vit même élire par les critiques Meilleur Film de tous les temps à l’occasion du centenaire du cinéma.

Parce que Les Visiteurs du soir avaient été perçus comme une métaphore de l’Occupation française – le Diable représentant Hitler et le cœur battant sous le roc la Résistance –, le tournage des Enfants du Paradis se fit sous la surveillance des Allemands et avec la menace constante de l’intervention de la Gestapo.

Dans ce contexte, on imagine le courage de Marcel Carné, qui comptait de nombreux résistants dans son équipe – l’un d’eux sera d’ailleurs arrêté par la Gestapo – et qui n’hésita pas à faire travailler clandestinement le décorateur Alexandre Trauner et le compositeur Joseph Kosma, tous deux juifs. Trauner signait ainsi son cinquième film pour Marcel Carné après une prestigieuse série faite de Drôle de dameHôtel du NordLe Quai des Brumes et Les Visiteurs du soir.

Arletty, de son côté, recevait des menaces de mort liées à sa liaison avec un officier allemand. Cette relation lui vaudra d’ailleurs d’être arrêtée à la fin de la guerre, et enfermée dans une maison de détention. Et c’est à cette occasion qu’elle fera preuve d’un mot d’esprit resté dans les mémoires : alors qu’on lui demandait un matin comment elle se sentait, elle fit cette réponse provocante : “Vous savez, je n’ai jamais été très résistante”…

Du côté des décors et des costumes, Marcel Carné, en dépit des privations de l’époque, put bénéficier de l’aide du peintre Mayo et de l’un des directeurs de la maison Lanvin, qui mit ses ateliers à sa disposition pour la confection des robes d’Arletty. Carné fit enfin construire le décor du Boulevard du Crime à l’emplacement où se dressait, un an auparavant, le château des Visiteurs du soir.

Mais c’est dans ses Mémoires que se trouve l’anecdote la plus étonnante concernant le tournage des Enfants du Paradis. Marcel Carné crut, peu de temps avant de commencer le film, que Jean-Louis Barrault allait lui faire faux bond. Il découvrit alors dans un débutant son éventuel remplaçant. Il s’agissait d’un comédien nommé … Jacques Tati !


PARCE QUE le Paris de Carné-Prévert est “tout petit pour ceux qui s’aiment d’un grand amour”.

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