Pourquoi regarder BURNING de Lee Chang-Dong ?

À l’origine de Burning, le film que le cinéaste coréen Lee Chang-Dong a présenté au Festival de Cannes en 2018, il y a une nouvelle de l’écrivain japonais Haruki Murakami intitulée Les Granges brûlées. Cette dernière a été publiée en 1984 dans un recueil qui s’appelle La Luciole, Les Granges brulées et autres récits. Un choix d’autant plus paradoxal que selon le cinéaste et sa co-scénariste Oh Jung-mi, il ne s’y passe rien. Mais d’ajouter que ce mystère recèle précisément une grande dimension cinématographique, avec des trous béants dans l’enchaînement des événements.

Selon le cinéaste, c’est la colère qui est au centre de ce monde mystérieux imaginé par Murakami. À l’heure actuelle dans le monde entier, explique Lee Chang-Dong, les gens de toutes nationalités, de toutes religions et de toutes classes sociales sont en colères pour des raisons différentes. La colère des jeunes Coréens est pour lui l’un des problèmes les plus urgents. Leur situation, ajoute-t-il, rappelle exactement le personnage de la nouvelle de Murakami, qui se sent complètement impuissant face à un homme dont la véritable identité est auréolée de mystère.

Mais si l’on en croit le cinéaste, cette colère est également contenue dans l’autre référence du film, soit une nouvelle de l’Américain William Faulkner cette fois. Intitulée Burning, elle raconte elle aussi l’histoire d’un homme en colère à l’égard de sa propre vie et du monde. Deux écrivains, deux nouvelles, deux univers éloignés et au final un film porté par le regard singulier Lee Chang-Dong.

En bois chez Murakami comme chez Faulkner, la grange du film Burning est devenue une serre en plastique, transparente mais couverte de tâches, plus courante en Corée. L’image d’un homme regardant fixement à travers l’intérieur d’une serre est apparue dès le premier jour de l’écriture du scénario selon ses deux auteurs. Et pour eux, certains secrets du film se trouvent juste là, dans cet espace vide, en apparence du moins, de l’autre côté de cette vitre en plastique.

De fait, comme on l’a vu, le film est parcouru de ces objets et de ces êtres qui transcendent les idées et les notions établies : qui est Ben finalement ? Et ce chat dont on prend tellement soin existe-t-il vraiment ? Et l’histoire que raconte Haemi sur le puits est-elle exacte ? Peut-on conclure que quelque chose n’existe pas simplement parce qu’on ne le voit pas ? semble nous dire le malicieux Lee Chang-Dong tout au long de son film en forme de labyrinthe.

Pierre Rissient, cinéphile exigeant, formait le vœu suivant peu avant sa mort : « Lee Chang-Dong est l’un des trop rares cinéastes humanistes, sans que son œuvre ne soit pour autant alourdie de messages. Aussi je me surprends à rêver que Burning préfigure la réunification d’une seule Corée, lui restituant enfin sa culture ancestrale. » Ainsi soit-il aurait-on envie d’ajouter.


PARCE QUE les mystères abondent dans ce film qui multiplie les apparitions comme les disparitions avec gourmandise et malice.

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