La Belle de jour c’est Catherine Deneuve, 24 ans en 1967, qui offre son corps à Luis Buñuel. Le film évoque la frigidité d’une grande bourgeoise, pourtant amoureuse de son mari, qui soudain se laisse aller à quelques passes dans une maison close.
Cinéaste du désir et de la transgression le maître espagnol offre un film troublant, tragicomique, où va défiler dans salons et alcôves, la fine fleur du cinéma français. Jean Sorel, Michel Piccoli, Geneviève Page, Francis Blanche, Françoise Fabian et bien d’autres. Dans le Paris de la libération sexuelle l’univers du fantasme et de la perversion se révèle sous les stucs et les moulures.
Une œuvre dérangeante et belle, récompensée du lion d’or à Venise en 1967 et qu’on va découvrir, flamboyante dans sa copie restaurée, maintenant.
Belle de jour le film a éclipsé Belle de jour le livre. Il n’était pourtant pas écrit par n’importe qui. C’est en 1928 que Joseph Kessel, 30 ans publia le livre aux éditions Gallimard après qu’il a paru en feuilleton dans le journal Gringoire, en ce temps-là journal de la droite modérée. Le scandale eut lieu à cette époque et l’écrivain dut s’en justifier dans une préface. Quarante ans plus tard Buñuel aidé de son jeune scénariste Jean-Claude Carrière en fait un film sulfureux très proche de l’esprit du livre. Carrière qui avait été embauché sur Le journal d’une femme de chambre alla travailler à Madrid, aux côtés du maître, qui allait le kidnapper littéralement en pourvoyant à tous ses besoins.
Bien sûr avec Belle de jour le film, la censure se réveille et exige des coupes. Heureusement le ministre de la culture de l’époque est le grand écrivain André Malraux qui apporte son soutien au grand cinéaste. Le film est très littéraire dans son esprit, sadien à souhait, évoquant un thème encore peu exploité : le fantasme féminin. Et pas n’importe lequel : une pulsion de prostitution et d’avilissement. Il faut rappeler pourtant, qu’au moment de la parution du roman, Kessel avait reçu une volumineuse correspondance de lectrices qui le remerciaient. En ce temps-là Gaston Gallimard voulait publier ces lettres mais hélas il les avait perdues dans un taxi.
C’est aussi et toujours un film marqué par le surréalisme auquel Buñuel s’était initié avant-guerre auprès de Salvador Dali avec il devait tourner le fameux Chien Andalou en 1928. L’onirisme est là qui atténue le caractère frontal de la réalité. Le film est traversé d’images symboliques où la violence picturale de la culture hispanique celle de Goya ou de Dali hante l’héroïne. Le thème du taureau véritable minotaure sexuel est là, comme chez Picasso. Le film est resté célèbre pour son macguffin: la boite à musique du client japonais(ou coréen) dont le contenu horrifie les pensionnaires de la maison close mais fascine Belle de jour. On ne saura bien sûr jamais ce qu’il y a dans la boite. Cette même année 1967 Jean Luc Godard sort Deux ou trois choses que je sais d’elle sur un thème similaire. Mais cette fois c’est pour boucler son budget que Marina Vlady pratique la prostitution occasionnelle. Comme le disait François 1er « Souvent femme varie bien fol qui s’y fie ».
PARCE QUE cette œuvre belle et dérangeante fut récompensée du Lion d’or à Venise en 1967.