CAROL, de Todd Haynes

L’amour irraisonné peut-il résister aux conventions sociales et morales ? Quand cet amour est vécu par deux femmes, qui plus est au cœur des très rigoureuses années 50 aux Etats Unis, vous imaginez bien que cela complique encore une problématique de départ déjà peu simple ! C’est tout le sujet du film de Todd Haynes, magistralement porté par ses deux actrices : Cate Blanchett et Rooney Mara.

Un film sensible, élégant et rude qui fit sensation au festival de Cannes 2015, à tel point que le jury des frères Coen décida de décerner son prix d’interprétation féminine à Rooney Mara, ex-aequo avec Emmanuelle Bercot pour sa prestation dans Mon roi de Maïwenn…

Du livre au film : les tabous ne meurent jamais.
Nous sommes dans les fifties, dans un New York certes progressiste mais encore confit dans le rêve américain d’une société parfaite, servant obligatoirement de référence au reste du monde… Imaginer deux femmes, dont l’une mariée, mère de famille et l’autre simple vendeuse, tomber amoureuses est tout simplement impensable, grotesque et quasi criminel. La romance de Carol et Thérèse va tout emporter sur son passage : le cœur de deux protagonistes mais aussi le petit monde qui tourne autour d’elles…

Si l’histoire de Carol démontre en 2015 les tabous de la société américaine des années 50, imaginez le choc ressenti outre-Atlantique lors de la sortie du roman originel…en 1952 ! The price of salt, est signé Patricia Highsmith ou plutôt Claire Morgan, l’un des pseudonymes de l’auteur, inspiré d’une aventure sentimentale personnelle, douloureuse et sans lendemains… 

Le scandale fut tel que les ligues de vertu tentèrent d’interdire la commercialisation du livre. Une campagne de dénigrement qui n’empêcha pas ce Prix du sel de se vendre à plus d’un million d’exemplaires et à Patricia Highsmith, (par ailleurs auteur de Monsieur Ripley, adapté à l’écran par René Clément puis Anthony Minghella sous les titres Plein soleil et Le talentueux Mr Ripley), de recevoir des centaines de lettres de femmes (ou d’hommes) ayant été obligés de cacher voire de renoncer à une histoire d’amour homosexuelle à cause des conventions morales, sociales ou religieuses…

Todd Haynes : un réalisateur engagé.
Pour Todd Haynes, gay ouvertement assumé, adapter ce roman est logique mais c’est toutefois un changement de direction majeur dans une filmographie jusqu’ici marquée par une passion immodérée envers la musique et ceux qui la font. Son premier moyen-métrage en 1987 Superstar : the Karen Carpenter story, fabriqué à l’aide de poupées Barbie était ainsi consacré à la chanteuse du groupe The Carpenters, adoré du public américain dans les années 70, grâce à des tubes comme Please Mr postman, Close to you ou  Merry Christmas darling.

Parmi les longs métrages qu’il a réalisé, Todd Haynes a par exemple choisi d’explorer le répertoire glam-rock des seventies dans Velvet goldmine  en 1998 avec un Jonathan Rhys Meyer largement inspiré par le personnage ambigu de David Bowie époque Ziggy Stardust, entouré à l’écran d’Ewan McGregor et Christian Bale. Citons aussi I’m not there  en 2007, retraçant six moments de la vie de Bob Dylan, incarné par six acteurs différents dont déjà Cate Blanchett…

Voir le film ici

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