TALE OF TALES: une histoire pas pour les enfants

Il était une fois, un réalisateur qui s’appelait (et qui s’appelle toujours) Matteo Garrone, cinéaste surdoué et téméraire, désireux de réaliser un film hors du commun. Le voici : Tale of tales, autrement dit « le conte des contes ». Une œuvre échevelée, protéiforme, inspirée au cinéaste italien par un auteur méconnu en France, Giambattista Basile.  

En 1625, ce Napolitain à l’imagination des plus fertiles signait ce drôle de livre, lourd de cinq volumes et devenu la source d’inspiration de grands conteurs comme Charles Perrault, ou les frères Grimm, qui devaient largement le piller, à travers des œuvres aussi connues que Peau d’Anne, Cendrillon, Le chat botté ou la Belle au bois dormant. 

Vainqueur par deux fois du Grand Prix du Jury à Cannes, en 2008 pour Gomorra et en 2012 pour Reality, Matteo Garrone a bénéficié d’un budget confortable et d’un casting cosmopolite pour faire de son film « italien » une grande production internationale. Sa fresque convoque par instants la force évocatrice d’un Pasolini période Décameron (lui aussi inspiré d’un recueil de contes italien). A d’autres moments, il rappelle la cruauté amusée d’un Dino Risi par cette façon de mordre la vie.

Exercice de style, Tale of tales s’avère réussi, malgré ses excès et sans doute un certain manque de modestie. Il est cependant très intéressant d’entendre le cinéaste raconter comment il  a renversé sa façon de faire : «Par le passé, j’ai réalisé des choses plus réalistes en appa­rence, comme Gomorra, mais dans lesquelles j’ai toujours pris soin d’introduire des éléments de fable ou de contes noirs. Avec Tale of Tales, j’ai fait le chemi­ne­ment inverse confiait-il durant la promotion cannoise : je suis parti de contes et j’ai essayé de leur donner une texture réelle et une résonance actuelle». 

Les rois et reines qui peuplent son récit, les ogres comme les sorcières poursuivent tous de profonds désirs, parfois inavoués. Dans l’esprit du cinéaste c’est une façon de dire que la recherche du bonheur à tout prix peut parfois enfanter des monstres. Et pas seulement dans notre imagination, à l’image de cette puce qui atteint la taille d’un bœuf à force d’être nourrie par un roi qui par ailleurs ne se résout pas à voir sa fille grandir… 

Salma Hayek trouve ici un rôle de reine à sa taille et conforme à son sens de l’humour explosif. L’une des scènes les plus fascinantes du film, la montre dévorant  un énorme cœur dégoulinant de sang. Matteo Garrone a raconté comment l’actrice mexicaine s’est jetée dessus sans sourciller. Mais le cinéma n’étant qu’illusion bien sûr, il s’agissait d’un gâteau de guimauve, nappé de faux sang liquide sucré. Preuve que son cœur a elle, est bien accroché.

Carlos Gomez

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