Pourquoi regarder R100 de Hitoshi Matsumoto ?

PARCE QUE bien qu’encore méconnu en France, Hitoshi Matsumoto est l’une des voix les plus revigorantes et iconoclastes du cinéma japonais contemporain. Son ambition ? Aborder des sujets sérieux sans se prendre au sérieux. Une intention clairement énoncée via le titre-même de R100 (indiquant, selon le système de censure japonaise, que ce film est… interdit aux moins de 100 ans !), ou par la précision au générique que les animaux présentés à l’écran – il n’y en a aucun dans le film… – ont été bien traités. Absurde ? Le cinéma de Matsumoto pencherait plutôt pour le surréalisme pour raconter les bizarreries de l’espèce humaine, à la manière d’un Luis Buñuel infusé dans l’esprit des Monty Python.

PARCE QUE plus encore que dans ses films précédents (Big Man Japan, Symbol, Saya Zamuraï), Matsumoto décortique avec R100 les rapports aussi complexes qu’ambigus des Japonais à la sexualité via l’électrochoc que provoque l’irruption du sado-masochisme par un employé de bureau lambda sur son quotidien terne. Sa découverte d’un club SM va agir comme un aiguillon, quand il demande à des dominatrices de surgir n’importe quand dans sa vie ordinaire pour la pimenter. Ce postulat loufoque pimentant autant un comique de situations que mettant en ligne de mire l’emprise d’un certain conformisme sur les classes moyennes japonaises. Matsumoto y propose comme antidote un appel à la reconquête de la jouissance et de la rigolade.

PARCE QUE sous ses apparences de fable délirante, R100 n’en touche pas moins à la question d’une apathie quasi-consentie dans les sociétés modernes. Matsumoto se rapproche ainsi autant de la part politique voire anarchiste du Fight Club de David Fincher que des paris tarés de la bande de Jackass: la série d’humiliations auxquelles est soumis volontairement le personnage central de R100 sidère autant par leur puissance comique que par leur appel contestataire à réinvestir sa vie. Matsumoto a l’intelligence d’atténuer une potentielle violence physique par des effets cartoonesques renforçant l’hilarité.

PARCE QUE même en étant visible comme un délire franc et poilant, R100 n’en oublie pas moins un solide discours théorique quand ce film s’embarque sans crier gare dans une mise en abyme – faisant régulièrement intervenir dans son récit ses spectateurs, qui critiquent ouvertement ce qu’ils sont en train de voir ! –, confortant l’idée d’un film bien moins en roue libre qu’on pourrait le penser, quand il dresse finalement un plaidoyer pour une liberté malgré les normes sociales.


PARCE QU’IL faudrait être maso pour ne pas vouloir voir une comédie ébouriffante sur fond de SM.

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