Lorsque Rebecca Zlotowski sort Planétarium en 2016, elle a déjà deux grands films à son actif. Le premier, Belle Épine, avait été salué par la critique comme le sont les promesses de belles carrières. Le second, Grand Central, lui avait valu plusieurs récompenses dans des festivals. C’est peu dire que Planétarium, incursion de l’élève de la Fémis dans le film d’époque, international qui plus est, était attendu. Et qu’il a dérouté. On y retrouve pourtant tout ce qui fait la patte de la cinéaste, notamment la juxtaposition d’ambitions narratives et esthétiques au plus haut.
Dans Planétarium, il faut accepter, au début, de se laisser porter par des décors et des costumes. Nous sommes à la fin des années 1930 et deux sœurs médiums, Laura et Kate Barlow, débarquent en France pour exhiber leur don dans des cabarets ou les riches demeures de l’élite parisienne. Rebecca Zlotowski recrée avec panache l’effervescence de l’époque et sa fascination pour les nouvelles technologies. Car, très vite, André Korben, producteur de cinéma, se met en tête de filmer les deux prodiges. En racontant un film dans le film, Planétarium interroge intelligemment, au fil de dialogues superbement écrits, ce qu’est le septième art et la comédie (« On joue parce qu’on aurait aimé vivre plus intensément et qu’on ne l’a pas fait », explique un réalisateur à Laura Barlow).
Mais Rebecca Zlotowski va bien plus loin que la mise en abîme. Elle ancre son film dans une période historique troublée qui, peu à peu, dévoile son véritable propos. Si le cinéma peut révéler ce qui n’est pas ou n’a jamais été, si l’illusion possède l’immense pouvoir de façonner une réalité alternative, c’est qu’elle risque aussi d’aveugler. Planétarium raconte comment le réel se fraie toujours un chemin, avec pertes et fracas, chez les individus les plus réfractaires. L’aveuglement à la montée du fascisme en Europe de la part des personnages, voire son acceptation chez une partie d’entre eux, résonne cruellement avec l’époque actuelle. Et le fait que des médiums ne s’aperçoivent que bien trop tard du piège que l’Histoire referme sur elles est d’une ironie dramatique.
Tout à la fois conte fantastique superbement mis en scène et grande tragédie, Planétarium évolue en cercles concentriques autour de son actrice principale, Natalie Portman, qui habite chacune des scènes. D’une beauté presque surnaturelle, l’actrice possède une présence obsédante. Sa prestation est toute entière résumée par son personnage dans le film. Après avoir joué pour la première fois, Laura Barlow ne sera plus jamais la même : « J’ai eu le sentiment de ne plus être là, et en même temps de me montrer complètement. » Voilà peut-être la plus grande réussite de Rebecca Zlotowski : avoir réussi à révéler pleinement Natalie Portman.
PARCE QUE la présence éblouissante de Natalie Portman tient un grand récit sur le pouvoir et les dangers de l’illusion.