Pourquoi regarder ONODA, d’Arthur Harari

Le pitch: Fin 1944. Le Japon est en train de perdre la guerre. Sur ordre du mystérieux Major Taniguchi, le jeune Hiroo Onoda est envoyé sur une île des Philippines juste avant le débarquement américain. La poignée de soldats qu’il entraîne dans la jungle découvre bientôt la doctrine inconnue qui va les lier à cet homme : la Guerre Secrète. Pour l’Empire, la guerre est sur le point de finir. Pour Onoda, elle s’achèvera 10 000 nuits plus tard.

Parce qu’un pari aussi risqué et en apparence infaisable que « un film de guerre japonais réalisé par un cinéaste français ne parlant pas la langue et n’ayant réalisé jusque là qu’un seul long-métrage » mérite déjà qu’on s’y intéresse. Et quand le résultat se révèle au-delà des attentes les plus optimistes, c’est bien la preuve qu’un petit miracle vient de se produire. Onoda est cette anomalie venue de nulle part, un film sans complexe, réalisé par un Arthur Harari à la fois inconscient et sûr de sa force et de sa vision, qui ne rougit jamais de son ambition, et tient parfaitement sa durée fleuve (2h45) digne des plus grandes fresques hollywoodiennes, sans jamais renoncer à son exigence esthétique et philosophique.

Parce-que le réalisateur réussit l’exploit de se nourrir à des sources écrasantes, de Kenji Mizoguchi à Terrence Malick, en passant par John Boorman ou Apichatpong Weerasetakul, tout en restant absolument personnel, sans jamais se laisser submerger par ses références. Ainsi, on retrouve dans ce film tropical et exotique toute l’inquiétante étrangeté qui baignait le précédent film du réalisateur, Diamant Noir, ainsi qu’une poésie macabre aussi envoûtante que dérangeante, avec notamment une utilisation très étonnante de la musique d’Olivier Marguerit, constamment à contre-pied des situations filmées, et une photographie mordorée de Tom Harari, frère et collaborateur attitré du réalisateur.

Parce-que cette histoire vraie d’un soldat japonais ayant passé plus de 30 ans dans la jungle philippine persuadé que la Seconde Guerre mondiale n’avait jamais cessé, donne le vertige, et évoque rien moins que le mythe de la Caverne de Platon. Dans le rôle de ce fantassin possédé et aveuglé par sa mission, les deux acteurs nippons Yūya Endō et Kanji Tsuda offrent des prestations hallucinées, qui ouvrent toutes deux des abîmes existentiels vertigineux.

Parce-que ce film unique, sorte de prototype impossible à reproduire, n’a manifestement pas refroidi les ardeurs de son réalisateur. Après avoir enchainé avec le scénario d’Anatomie d’une chute de Justine Triet, et joué un rôle central dans Le Procès Goldman de Cédric Khan, Arthur Harari a prévu, comme 3e long-métrage, de réaliser un film… de science-fiction…


Parce qu’avec ce film fou, invraisemblable dans le paysage du cinéma français, Arthur Harari s’est imposé comme l’un des réalisateurs les plus ambitieux de sa génération.

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