Le pitch: Nasser, dit Nas, vient juste de sortir de prison. De retour dans son quartier, à Pigalle, il retrouve ses amis et son frère aîné Arezki. Celui-ci est devenu patron du Prestige, un bar populaire. Nas veut refaire sa vie et espère que ce bar va pouvoir lui servir de tremplin pour rebondir…

Paris reste une éternelle ville de cinéma, un décor naturel parfait pour les productions du monde entier. Mais derrière les visions touristiques ou parfois improbables (revue par les blockbusters, la géographie de la « Ville Lumière » est souvent très loin de sa réalité topographiques) a-t-elle si souvent été filmée dans sa réalité ? Hamé Bourokba et Ekoué Labitey – soit le duo derrière le groupe de rap La rumeur- ont installé leur premier long métrage dans le quartier de Pigalle. Probablement le plus approprié pour restituer ce qu’il reste d’un Paris villageois, de sa population cosmopolite à ses bars et petits commerces.
Les derniers parisiens s’essaient à protéger ce qu’il reste de cette vie alors que la gentrification s’est depuis quelques décénnies emparée de Paris, les classes populaires s’en trouvant repoussées. Pour aborder ce phénomène croissant, Bourokba et Labitey ne se perdent pas pour autant dans des conjonctures sociologiques : l’écriture, macroscopique, se concentre autour de Nas, trentenaire qui revient dans un quartier qui s’est transformé pendant qu’il était en prison. Si Les derniers parisiens est filmé à ras de bitume et de comptoir, il évacue les clichés pittoresques et une vitrine de carte postale pour se consacrer à une observation plus globale. A partir de ce quartier Bourokba et Labitey racontent le monde contemporain, ses nouveaux rapports de classe, le règne de l’argent roi ou son consumérisme à outrance.

Les derniers parisiens témoigne aussi de la persistance d’une forme d’artisanat, d’un fait-main : reprenant le principe d’indépendance quand ils font leurs albums, Bourokba et Labitey ont décidé d’occuper tous les postes clés de leur film dont ils sont scénaristes, producteurs et réalisateurs. Un galop d’essai (De l’encre, téléfilm pour Canal +) remarqué les a confortés dans un choix garantissant que leur vision serait respectée. Ainsi Les derniers parisiens sort des clous du cinéma urbain français en ne cédant pas à la tentation d’un constat de délinquance ou de violence. Elles restent présentes mais filmées sans volonté de spectaculaire.
Là ou la plupart des films s’immergeant dans un quartier auraient fait appel à une nostalgie, un aspect chromo, Les nouveaux parisiens est un parfait instantané d’époque. Sans doute Parce qu’à travers Nas et Arezki, son frère aîné, Bourokba et Labitey ont voulu faire autant une chronique contemporaine de la démerde dans un monde ou la loi prépondérante est devenu celle de l’économie que le portrait de deux générations, entre celle d’Arezki qui a tenté la voie de l’intégration, de l’assimilation et celle de Nas, qui reste sous le joug d’un déterminisme social. Plus que d’un quartier de la capitale, Les derniers parisiens est un état des lieux capital.
Parce que les quartiers de Paris sont une inépuisable source de récits.
