Pourquoi regarder LE LAC AUX OIES SAUVAGES de Diao Yinan ?

Lauréat d’un Ours d’Or à Berlin avec son troisième long métrage Black coal, qui racontait une longue enquête sur une affaire de meurtres en séries, Dia Yinan poursuit avec Le lac aux oies sauvages son exploration du film noir, cette fois en mettant l’accent encore plus sur la forme.

Construit en flashbacks, le film suit le parcours de deux fugitifs, un gangster poursuivi à la fois par la police et par ses anciens associés, et une prostituée aux motivations incertaines, qui est peut-être là pour l’aider, mais aussi pour le trahir.

Leur périple est ponctué de poursuites, de fusillades et de guet-apens, qui sont autant de scènes d’anthologie.

Mais le style éblouissant et l’hommage ostentatoire au film de genre ne sont que des écrans de fumée destinés à dissimuler subtilement la véritable substance du film. En filigrane, il dresse un tableau assez sombre de la Chine contemporaine… S’il avait été plus explicite, il aurait risqué d’être censuré purement et simplement.

Grand amateur de films noirs hollywoodiens des années 40 et 50, Diao Yinan trouve le genre particulièrement adapté pour observer les hommes dans le cadre de la société où ils vivent. Il avait pensé au Lac aux oies sauvages bien avant de réaliser Black coal, mais comme il n’arrivait pas le développer de façon satisfaisante, il l’a laissé de côté. Jusqu’au jour où il a pris connaissance d’un fait-divers au cours duquel des gangsters s’étaient assemblés dans la ville de Hunan pour se partager les territoires, avant que l’irruption de la police ne mette fin à l’événement. La force ironique de cet épisode lui a donné l’énergie pour reprendre son projet.

De même que Black coal révélait derrière une intrigue de film noir un tableau paradoxal de la Chine contemporaine, partagée entre son héritage communiste et les excès capitalistes, Le lac aux oies sauvages montre une société gangrenée par l’illégalité, l’hypocrisie et la répression. Les deux personnages principaux sont des hors-la-loi fugitifs, mais où qu’ils aillent, ils se rendent compte que la société civile n’est que le reflet de leur propre monde criminel. Le tout sous la supervision d’une police subtilement mais continuellement dépeinte comme omniprésente, brutale et incompétente. Il est probable que le cinéaste ait volontairement accentué l’aspect formel de son film pour détourner l’attention de son contenu, potentiellement identifiable comme subversif par les autorités chinoises.

De fait, le style est assez éblouissant, autant dans la mise en scène mouvementée que dans la photographie qui exploite de façon spectaculaire les éclairages artificiels nocturnes. Ils sont l’œuvre du chef opérateur Dong Jinsong, dont on peut également apprécier le travail dans Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan. Diao Yinan a attribué les rôles principaux à des acteurs avec qui il avait déjà travaillé, et pour le reste, il a fait appel à des acteurs non professionnels qui ne prenaient connaissance de leur texte que la veille pour le lendemain. De cette façon, en les empêchant de trop se préparer, le cinéaste privilégiait la spontanéité.


PARCE QUE le film est inspiré d’une véritable histoire de gangsters dans la Chine contemporaine.

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