Alexandre Mathis C’est fou l’impact qu’a Le Grand Silence sur le cinéma mondial, alors qu’il était si tièdement accueilli à sa sortie. De Quentin Tarantino au frères Coen, nombres de cinéastes ont rendu hommage à ce western enneigé. Car le cadre n’a rien d’un hasard. Sergio Corbucci voulait raconter le grand Ouest différemment. Placer son action dans la neige, abandonner les déserts chauds, c’était comme rendre les thématiques du film plus universelles : ce que vous y voyez peut arriver n’importe où.
Surtout, l’aridité du film coïncide avec le mutisme de Silence, joué par Jean-Louis Trintignant et par la froideur des autres personnages, le machiavélique Klaus Kinski en tête. Surtout, le manteau blanc neigeux rend encore plus visibles les tâches de sangs, nombreuses, comme autant de saleté sur la pureté de l’Amérique.
Car Corbucci s’en prend aux gouvernants et au pouvoir de l’argent, qui souille les idéaux de justice et de protection des peuples. Dans Le Grand Silence, les hors-la-loi sont finalement plus gentils que les tenants de la loi et les banquiers corrompus. Corbucci se serait inspiré des meurtres de Malcom X et Martin Luther King pour construire cette dénonciation d’une Amérique qui, de sa création à nos jours, pâtit des mêmes gangrènes.
Nihiliste, Le Grand Silence ne fait pas dans la demi-mesure. La légende est connue : désarçonnés par sa fin tragique, les producteurs auraient demandé au cinéaste de tourner un autre dénouement. Contrarié, Corbucci se serait exécuté en saccageant volontairement la mise en scène, la qualité des plans et en rendant cette fin tellement ridicule que les producteurs ne pouvaient décemment la garder. Et c’est tant mieux, tant la sidération qui nous cueille à la fin du film reste une des plus spectaculaires de notre histoire du cinéma.
PARCE QUE Sergio Corbucci voulait raconter le grand Ouest différemment en plaçant son action dans de sublimes décors enneigés.
