Pourquoi regarder LAMB de Yared Zeleke ?

C’est d’abord une belle histoire d’amitié qui nous est contée dans Lamb. Celle d’un jeune garçon de 9 ans, Ephraïm, loin de son père, perdu, qui n’a comme attache que ce mouton. Or ce dernier, bien portant, pourrait finir par être sacrifié pour un repas de fête. Et ça serait à Ephraïm de s’occuper du sacrifice. Le garçon s’y refuse, il tente tout pour échapper au tragique destin pour son ami. En réalité, en Éthiopie, un mouton est d’abord un moyen de survie.

Car Lamb, c’est aussi l’histoire d’un pays (magnifique, comme en témoignent ces plans sur les montagnes et les vallées, sa brume, ses forêts) qui a faim. La question du repas est centrale dans le film. On cultive, on prépare, on marchande. Mais comme le souligne un des personnages attablés à un café, pourquoi le gouvernement veut plus exporter de nourriture – au nom de la santé économique de l’Éthiopie – si sa population n’arrive pas à se nourrir correctement ? C’est d’ailleurs ce qui arrive au bébé de la famille d’accueil du héros. Très affaibli, l’enfant est au seuil de la mort. Ce n’est que parce qu’il est mieux nourri qu’il survit. Yared Zeleke, le réalisateur, narre en filigrane un enjeu récurrent de ce pays africain : la pauvreté et la précarité alimentaire. L’Afrique est malheureusement souvent dans l’actualité à cause de ce problème, et Lamb en parle d’une manière très subtile.

Lamb, c’est aussi un film qui raconte les conventions sociétales et familiales. La fille de la famille est décriée pour sa fainéantise car elle lit des livres et n’accepte pas le mariage arrangé. En somme, elle incarne la modernité : elle fait confiance à la science, lit qu’on peut utiliser de l’urine comme engrais (au grand dam de son père qui estime que ça sent trop mauvais, et que c’est une idée bête qu’elle a eu en lisant les journaux). Face à ça, le patriarcat domine la société. Un patriarcat à peine compensé par la doyenne de la famille, figure de la sagesse traditionnelle. Le film raconte cet équilibre entre un pays perclus dans ses traditions et des idées novatrices, voire progressistes.

Ephraïm souffre de cette logique traditionnelle. Il est vu comme pas assez viril, incapable de mener les bœufs au champ. Lui préfère cuisiner (une tâche dévolue aux femmes dans cette région) et se balader avec son mouton. Il veut surtout fuir et retrouver les gens qu’il aime dans son village natal. Lamb raconte en réalité un passage vers l’âge adulte, où le jeune garçon doit trouver son rôle et renouer avec un nouvel équilibre familial. C’est ce qui rend beau ce film éthiopien, pays si méconnu en Occident : raconter que tout le monde, y compris le mouton, peut trouver sa place, pour peu qu’on lui accorde un minimum de liberté.


PARCE QUE l’Éthiopie y est joliment racontée via ce conte d’une amitié entre un garçon et son mouton.

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