Pourquoi regarder ENORME de Sophie Letourneur ?

Pour faire un enfant, il faut être deux. Ça paraît évident comme ça, mais pour certains ça ne l’est pas, à l’image du personnage que joue Jonathan Cohen dans cette comédie hors format. Frédéric veut donc un bébé. Il a 40 ans et il n’est plus question d’attendre, bien que Claire (Marina Foïs), sa femme, concertiste de renom toujours en représentation, lui ai expliqué qu’il n’y avait pas de place pour un enfant dans leur vie.

Frédéric s’occupe de tout pour sa femme artiste, y compris de l’alerter de bien prendre sa pillule. Et comme elle lui fait une confiance aveugle, elle ne peut imaginer un instant que son mari puisse lui faire un enfant dans le dos. La suite va bouleverser leur quotidien et éprouver les limites de leur couple, dans des proportions qui leur échappent.

Sophie Letourneur signe une comédie des plus singulières, ou la drôlerie côtoie la monstruosité jusqu’à lui laisser sa place. Il y a du Marco Ferreri dans cette manière de faire rire dans un concert de grincements stridents. Jonathan Cohen nous amuse et nous effraie un peu à la fois, tandis que Marina Foïs joue en équilibre sur ses émotions, prête à exploser. “Énorme” ce film, oui, le titre était bien trouvé.

Sophie Letourneur a le goût du burlesque. On le sait depuis La vie au ranch (2009) et Les Coquillettes (2013), deux longs-métrages fauchés, mais terriblement riches en sensations provoquées, caractéristiques de sa liberté de ton. Entre-temps, elle a quitté les rives de la trentaine. Sa vision de la vie est désormais celle d’une quadra que la maternité a transformée. C’est alors qu’elle attendait son deuxième enfant qu’elle a commencé à prendre des notes, convaincue que ces neufs mois de gestation et de sentiments contrastés lui fourniraient la matière de son prochain film, inspirée notamment par la belle implication de son mari durant ces neuf mois.

Pour autant, elle ne nous raconte pas sa vie. Ce qui rend le film intéressant, c’est que ce couple n’est représentatif de rien, ni de personne. La manière dont le personnage de Jonathan Cohen s’approprie cette grossesse – avec la complicité de sa mère, qui est aussi la sienne, la vraie, dans la vie – nous plonge en plein délire comico-névrotique. Quant à Marina Foïs, elle nous bouleverse tout simplement, tant elle parvient à rendre palpable sa peur grandissante et son désarroi face à un événement qu’elle ne désire pas. Le format carré vient souligner le piège dans lequel se trouve prise.

La magie du film repose sur la manière dont ces deux acteurs se sont glissés dans le dispositif imaginé par la réalisatrice et emprunté au réel : Sophie Letourneur a en effet travaillé le contexte en documentariste, avec la complicité du personnel médical d’une maternité qui s’est laissé filmer dans l’exercice de son travail, en consultation, en salle d’accouchement, etc. Les contrechamps avec les acteurs ont été tournés ensuite, en laissant libre cours parfois à leur sens de l’improvisation et avec la réalisatrice leur donnant la réplique hors champ. Le reste est le fruit d’un montage savamment mené. L’illusion est totale et trouve son dénouement sur fond de Concerto de Ravel, tandis qu’un bébé filmé au plus près, semble récupérer de l’aventure qu’il vient de vivre. L’émotion est palpable, énorme : intacte.

Ecrit par Carlos GOMEZ


PARCE QUE les séquences finales alternent des plans purement documentaires dans lesquels ont été intégrés les passages de fiction.

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