Pourquoi regarder EN LIBERTE de Pierre Salvadori ?

Dans En Liberté !, Yvonne, une veuve de policier, lieutenant elle-même, découvre que son époux était un ripou, que tout dans leur vie n’était que mensonge, que tout ce qu’il lui a offert provenait de ses activités malhonnêtes. Voulant rendre justice à Antoine, l’innocent qui vient de faire huit ans de prison par la faute de son mari, Yvonne le suit pas à pas, au point d’entrer en contact avec lui et de fausser les cartes du jeu, puisque jamais elle ne lui révèle qui elle est ni la raison de sa présence… Neuvième film de Pierre Salvadori, En liberté !, comme quasiment tous les autres parle de vérités et de mensonges, d’affabulation et de faux-semblants…

Et En liberté ! porte diablement bien son titre. C’est une comédie, effectivement très libre, qui jongle avec tous les codes du genre, passe du burlesque au romantique, du slapstick au délirant, joue sur les mots, les répétitions, les quiproquos et les différentes façons de raconter une histoire… Car il y a ici plusieurs récits : ceux qu’Yvonne fait des exploits de feu Jean Santi à son fils, et qui se transforment, lorsqu’elle apprend la vérité sur ce flic véreux, en véritables règlements de compte ; ceux des gens fréquentant le commissariat et qui ne sont pas plus crus quand ils avouent que quand ils mentent ; il y a les scènes d’action vécues directement, ou à travers un écran de surveillance…

On redécouvre Adèle Haenel, actrice jusque-là plutôt utilisée pour une certaine gravité de Naissance des pieuvres de Céline Sciamma à 120 Battements par minute de Robin Campillo, en passant par Suzanne de Katell Quillévéré et Les Combattants de Thomas Cailley. Elle est ici formidable, pour la première fois dirigée par Pierre Salvadori, comme c’est le cas de Damien Bonnard, acteur versatile révélé en 2016 par Alain Guiraudie dans Rester vertical qui est épatant en timide inspecteur et amoureux transi. A leurs côtés, Pio Marmaï et Audrey Tautou, tous deux parfaits, font figure de vétérans dans l’univers de Salvadori, le premier ayant interprété le personnage du voisin cool de Dans la cour et la seconde ayant tenu, avec toutes sa fantaisie, les rôles principaux de Hors de Prix et De vrais mensonges.

En voyant cette comédie sur le mensonge et la culpabilité, sur tous ces masques qu’on porte dans sa vie, on pense bien sûr au meilleur de la comédie américaine qui fait son miel des vrais faux semblants ou des multiples quiproquos et donne la part belle aux femmes : Ninotchka ou Ange de Ernst Lubitsch, Ariane de Billy Wilder… On pense aussi, bien sûr au Magnifique de Philippe De Broca où Belmondo alias François Merlin, écrivain besogneux, se rêvait en Bob Saint-Clar, agent secret lui-même très inspiré de James Bond…

Pierre Salvadori revendique toutes ces références, et d’autres encore, qui vont de Something Wild de Jonathan Demme à Erin Brokovich de Steven Soderbergh. Le réalisateur a toujours affiché un penchant net pour la comédie, depuis ses débuts avec Cible émouvante en 1992, suivi des Apprentis et Comme elle respire, trois films au ton original, à la fois burlesque et intime, mélancolique et fantasque, où Guillaume Depardieu et Marie Trintignant développaient leurs aptitudes comiques de façon inédite et néanmoins gourmande. Seule exception, le polar noir, Les Marchands de sable, réalisé en 2000 et qui connut une version courte pour la télévision, intitulée Le Détour dans le cadre de la collection « Gauche, Droite » pour Arte.

Il reprend ensuite le chemin de la comédie dont il explore les codes pour mieux les détourner à sa façon : le duo masculin mal assorti de Après vous…, Daniel Auteuil et José Garcia ; puis Hors de prix avec Audrey Tautou et Gad Elmaleh, histoire d’une « chercheuse d’or » qui prend un serveur pour un milliardaire et De vrais mensonges, le marivaudage avec fausse lettre d’amour inspiré de Cyrano, avec Audrey Tautou, encore, ainsi que Nathalie Baye et Sami Bouajila. Enfin, avant de signer le débridé En Liberté ! qui fait se rejoindre à peu près tous les styles de comédie, il a mis en scène Catherine Deneuve, Gustave Kervern et Pio Marmaï dans l’étonnant Dans la cour, mélange détonant de comédie dépressive et de drame joyeux. Car ce qui est beau dans la plupart des films de Pierre Salvadori, c’est qu’à la base, il n’y a pas de quoi rire. Et pourtant, on rit !

Ecrit par Isabelle DANEL


PARCE QUE Pio Marmaï fut nommé au César du meilleur acteur pour son rôle d’Antoine.

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