Margaux Baralon C’est en 2009 que le monde entier a découvert ses yeux métalliques, ses cheveux poivre et sel et son impressionnante présence. Ricardo Darín explosait alors dans Dans ses yeux, film argentin couronné de l’Oscar du meilleur film étranger l’année suivante. Depuis, l’acteur natif de Buenos Aires a eu l’occasion de s’affirmer comme l’un des meilleurs de sa génération, des Nouveaux sauvages jusqu’au cinéma d’Asghar Farhadi avec Everybody Knows. Dans El Presidente, le voici quasi couronné, incarnant avec finesse un président argentin au bord du précipice.
Le film de Santiago Mitre ressemble d’abord à un thriller politique classique. Alors qu’il s’apprête à se rendre au Chili à un sommet des pays d’Amérique latine décisif en matière de stratégie énergétique, Hernán Blanco reçoit les menaces de son ex-gendre, décidé à révéler des malversations au sein de son parti. El Presidente joue donc sur deux tableaux : la face publique de la classe politique d’abord, qui se réunit en grande pompe pour débattre et négocier, et sa face cachée, faite de bras de fer diplomatiques en milieu feutré et de gestion de crise. Mais lorsque la fille d’Hernán, Marina, arrive au Chili, le film prend des chemins de traverse, se muant en drame intimiste à la lisière du fantastique.
Sans surprise mais pas sans éclat, Ricardo Darín se révèle excellent dans les deux registres, passant du président prudent au père inquiet, du chef d’État méfiant à l’homme inflexible. Santiago Mitre épouse les changements de registre avec sa mise en scène, troquant les amples mouvements qui suivent des négociations diplomatiques pour la caméra à l’épaule dès que les portes se referment et les espaces se réduisent. Ses plans fixes sur les montagnes chiliennes, soudainement interrompues par des bâtiments austères, consacrent l’élégance de son long-métrage qui, s’il refuse de répondre à toutes les questions posées, mène son spectateur par le bout du nez avec une grande efficacité.
PARCE QUE ce thriller politique élégant a pour vedette Ricardo Darín, l’acteur argentin que tout le cinéma hispanophone s’arrache (à raison).
