Pourquoi regarder EL PICO d’Eloy de la Iglesia ?

Après la mort du général Franco, les Espagnols, sous régime totalitaire depuis quatre décennies, deviennent enfin libres de leurs mouvements. Dès la fin des années 70 et durant toutes les années 80, le pays est à la fête, empli de joie, d’amour et de créativité artistique (la fameuse “Movida”). Cependant, ces excès ont aussi leurs revers… dont l’abus de consommation d’héroïne, devenu un fléau national chez les jeunes.

Sur les grands écrans, un nouveau genre émerge alors : le cinéma “quinqui”. Celui-ci retrace, à travers des films sociaux souvent crus, les parcours nihilistes de jeunes délinquants juvéniles et d’autres laissés pour compte. Si certains grands réalisateurs espagnols se sont temporairement adonnés à ce genre (comme Carlos Saura avec Vivre vite ou Pedro Almodóvar avec son parodique Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?), d’autres, moins connus en dehors des frontières, en ont fait leur spécialité. Voir Jose Antonio de la Loma, considéré comme l’inventeur du genre avec Perros Callejeros en 1977, et surtout Eloy de la Iglesia, qui aura bien marqué de son empreinte ce cinéma quinqui.

En 1983, Eloy de la Iglesia réalise El Pico, qui reste peut-être le film le plus emblématique de ce genre. En suivant le parcours de deux adolescents de Bilbao entraînés dans l’enfer des paradis artificiels, le cinéaste parvient à saisir l’esprit délétère de cette époque, tout en nous en faisant ressentir les démons intérieurs qui tourmentent la psyché de ces deux jeunes paumés. Sont mis en avant les changements de mœurs, où la sexualité débridée et l’amitié homoérotique semblent s’affirmer pour contrer les décennies de dictature franquiste.

Pour ce faire, et à l’instar de Pier Paolo Pasolini dans certains de ses films, Eloy de la Iglesia a fait appel à de jeunes acteurs non-professionnels, pour la plupart de véritables marginaux – comme le héros déchu de El Pico, José Luis Manzano, devenu l’acteur fétiche des quatre films quinqui d’Eloy de la Iglesia (dont la suite, El Pico 2), avant (ironie du sort) de succomber à une overdose à l’âge de 28 ans.

Totalement méconnu en France, sauf des amateurs de cinéma d’exploitation pour deux films : Le Bal du vaudou (1973), curieuse version ibérique d’Orange mécanique, et surtout son chef-d’œuvre La Semaine d’un assassin (1972), que le futur cinéaste Christophe Gans avait fait sortir en VHS chez Scherzo Vidéo au début des années 80 sous le titre absurde de Cannibal Man, Eloy de la Iglesia a été redécouvert en été 2023 grâce à une importante rétrospective de ses films à la Cinémathèque française (dont certains étaient présentés par le réalisateur franco-argentin Gaspar Noé, fan du cinéaste depuis ses débuts).


PARCE QUE ce film culte (et inédit en France) offre une vision crue, âpre et réaliste de la consommation de drogue chez les ados dans l’Espagne des années 80.

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