Crash est adapté du livre de James G Ballard. Ce n’est pas à proprement parler de la science-fiction, mais plutôt un commentaire visionnaire et singulier sur la civilisation de l’automobile. Son auteur le considérait comme une fable sur les dangers d’un comportement qui associait l’excitation sexuelle et l’agressivité. Pas étonnant donc que cette notion ait attiré David Cronenberg, qui d’une part est un passionné de sports mécaniques, et d’autre part, avait abordé des thèmes similaires dans ses films précédents. Videodrome notamment, énonçait la notion de « nouvelle chair », résultat de la volonté d’une humanité mutante de modeler son corps pour l’adapter à la société nouvelle.
Dans Crash, cette mutation est représentée par une poignée d’individus qui partagent une même fascination fétichiste pour les accidents de voiture, seul moyen d’atteindre l’extase par la communion brutale de la chair et du métal. Cronenberg les étudie d’une façon froide et distanciée. Leur obsession est le contraire d’une passion, elle donne lieu à un parcours initiatique cérébral et méthodique, même dans les moments les plus explicitement sexuels. Les acteurs l’incarnent avec un détachement étrange, souligné par la musique solennelle et macabre d’Howard Shore.
Présenté à Cannes en 96, Crash a complètement divisé la Croisette. Face à une minorité de festivaliers favorables, la plupart était viscéralement révoltée à l’idée de voir de l’érotisme dans les accidents de voiture. Les détracteurs se sont déchaînés, suggérant que le film pouvait inciter des spectateurs imprudents à provoquer sciemment des accidents de voiture, ou encore reprochant à Cronenberg de ne pas prendre en considération les vraies victimes d’accidents de la route. La séquence la plus dérangeante n’était pas celle où les cicatrices béantes de Rosanna Arquette sont ouvertement symboliques, mais celle où Elias Koteas patrouille dans les rues afin de prendre des photos d’accidents.
Le scandale a porté bonheur au film, au moins en France, où le distributeur a été assez malin pour profiter de l’effet cannois en le sortant dans la foulée. Jamais un film de Cronenberg n’avait attiré autant de spectateurs. Trois ans plus tard, il présidait le jury cannois.
Ailleurs, Crash a provoqué beaucoup d’agitation, notamment en Angleterre, où il a été présenté comme « le film le plus dépravé jamais réalisé ». Des groupes de pression se sont constitués pour essayer d’interdire le film, et des politiciens des deux bords se sont sentis obligés de prendre parti contre le film, simplement pour ne pas être associés à sa mauvaise réputation à l’approche des élections. La plupart de ceux qui en parlaient ne l’avaient même pas vu. La polémique était si forte qu’elle a obligé l’écrivain James Ballard à sortir de son silence pour défendre le film comme une adaptation absolument fidèle à l’esprit de son livre.
PARCE QUE le film fit appel à pas moins de six Lincoln Continental.