Le Guépard fait partie de ces chefs d’œuvre imposants de l’histoire. Une durée importante, plus de trois heures, un contexte historique précis, la Sicile des années 1860 et son aristocratie déclinante, des décors fastueux, des costumes sublimes et bien sûr un casting de rêve puisqu’on y retrouve Burt Lancaster, Alain Delon et Claudia Cardinale. Et pourtant, rien de poussiéreux et d’ardu dans ce film complexe mais d’un lyrisme et d’une vitalité à nul autre pareil, plein de morceaux de bravoure parmi lesquels la célèbre scène de bal durant plus de 45 minutes. Un film majeur de l’histoire du cinéma, qui fut récompensé de la Palme d’Or au festival de Cannes 1963.

L’intrigue se déroule en 1860 et part d’un fait historique. L’armée du Général Giuseppe Garibaldi est envoyée pacifier la Sicile où une révolte populaire vient d’éclater, dans le grand projet d’unifier une Italie éclatée. Le Prince de Salina incarné par Burt Lancaster  quitte son palais et se réfugie à la campagne dans une vaste bâtisse. Son neveu incarné par Alain Delon rejoint l’armée de Garibaldi. Le jeune et beau Tancrède va alors tomber amoureux de la fille du maire.

Une tête d’affiche pas si évidente…

Retrouver Burt Lancaster à la tête d’une grande fresque italienne peut surprendre. Le réalisateur Luchino Visconti avait dès le départ en tête d’employer des acteurs anglo-saxons afin de favoriser le rayonnement du film à l’internationale. Mais il pensait à Marlon Brando ou Laurence Olivier. Les producteurs refusèrent ses propositions. Ceux-ci portèrent leur choix sur Burt Lancaster ce qui mécontenta Visconti au départ mais il se ravisa ensuite devant le talent de l’acteur. Il fut également question que Warren Beatty incarne Tancrède mais l’acteur refusa finalement la proposition et le rôle échoua à Alain Delon. Delon et Lancaster se retrouvèrent dix ans plus tard dans Scorpio de Michael Winner, mais ceci est une autre histoire…

Le choix de Burt Lancaster dans le rôle du Prince se fit donc contre Luchino Visconti qui ne voyait pas comment cet acteur américain réputé pour ses rôles athlétiques pourrait incarner un vieil aristocrate sicilien. Les rapports entre les deux hommes furent quelque peu tendus les premières journées de tournage. Pourtant, Luchino Visconti tomba rapidement sous le charme de l’acteur, impressionné par le dévouement et l’investissement avec lequel il travaillait son rôle. Le cinéaste ne regretta jamais ce choix, et il tournera à nouveau avec Burt Lancaster, ce sera pour le crépusculaire Violence et Passion.

Un tournage fastueux.

Le tournage du Guépard fut épique. Cinq scénaristes travaillèrent pendant des mois à l’écriture du scénario adapté de l’unique roman signé Giuseppe Tomasi di Lampedusa.  Luchino Visconti s’était ainsi attaché les services de Pasquale Festa Campanile, qui était également réalisateur et de Suso Cecchi d’Amico, une des plus célèbres scénaristes italiennes qui avait travaillé avec tous les grands noms du cinéma de Vittorio de Sica à Michelangelo Antonioni, en passant par Franscesco Rosi. Les scénaristes respectèrent souvent les dialogues du roman et la structure du livre, mais les deux derniers chapitres furent abandonnés. La préparation du film s’étala sur plus d’un an et demi et le tournage sur plus de sept mois. Le bal final demanda la présence d’une centaine de figurants et il fallait avant chaque prise rallumer les milliers de bougie qui devaient illuminer le décor. Visconti voulait que tous les éléments présents à l’écran soient authentiques et faisait preuve d’une précision et d’une exigence de tous les instants. Malgré le succès du film, le producteur ne se releva jamais de cette production dispendieuse.

Mais tout ce faste qui semble aujourd’hui inimaginable ne doit pas masquer la profonde mélancolie qui se dégage du Guépard. En filmant un monde en perdition, Visconti, qu’on a souvent comparé à Marcel Proust, filme surtout l’écoulement du temps et la vieillesse à l’œuvre.  Le Prince se voit peu à peu dépossédé de ce qui avait fait sa grandeur, et il ne peut plus que contempler la disparition progressive de son univers. On ne peut pas dire que ce soit de la nostalgie pour autant. Les choses changent, et c’est ainsi. Cette acceptation de la mutation du monde fait la beauté de ce chef d’œuvre éternel.

Voir le film ici.

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