ARDE MADRID, la série

Le pitch: Dans l’Espagne franquiste, Ana Marí, femme sérieuse et partisane des valeurs traditionnelles, se voit confier une mission inattendue : devenir la domestique d’Ava Gardner, récemment installée à Madrid et devenue voisine du Général Perón. Ana Marí devra espionner la star pour le compte du gouvernement et rapporter les activités supposées douteuses qui se dérouleraient dans cette maison…

Alliant profondeur politique et divertissement désopilant, Arde Madrid est une joyeuse bouffée d’oxygène antifasciste et surprenamment réconfortante. 

Espagne, années 60. Ana Mari est instructrice à la Sección Femenina. Son job : enseigner les valeurs familiales du franquisme aux jeunes femmes. Bientôt, la voilà chargée d’espionner l’actrice Ava Gardner, installée à Madrid pour un tournage. C’est le début d’un choc culturel de grande envergure. 

Arde Madrid fait un pari osé : celui de rendre compte, par le prisme d’une comédie de moeurs décalée de la prison mentale inhérente aux sociétés fascistes – pour rappel, l’Espagne a vécu sous le joug de Franco de 1936 à 1975. La série débute ainsi par un cours édifiant que donne Ana Mari à ses élèves insouciantes. Votre mari vous bat ? C’est de votre faute, et vous devez apprendre des coups qu’il vous inflige pour atteindre la sagesse. Tout un programme, que la simple présence véridique de la star hollywoodienne (Ava Gardner est vraiment venu tourner un film dans l’Espagne Franquiste) vont considérablement bousculer. À travers le duel froid que se livrent l’actrice et sa gouvernante-espionne, c’est le choc de deux mondes auquel assiste le spectateur. Néanmoins, plutôt que de verser dans une chronique politique à la tristesse attendue, la série conserve une réelle légèreté. Le traumatisme du régime de Franco est abordé sous l’angle de l’absurde et ses symptômes tournés en ridicule. Avec sa jambe boiteuse, son air acariâtre et ses recettes de grand-mère absurdes (uriner sur des grenouilles en guise de test de grossesse), Ana Mari est un personnage truculent, dont l’endoctrinement crève les yeux et, in fine, une femme bizarrement attachante. Face à elle, Manolo, un petit voyou jouant le rôle de son mari auprès de Gardner, nous renvoie à la gouaille inimitable des acteurs des années 40, une sorte de Jean Gabin ibérique. Il faut d’ailleurs dire un mot du jeu des comédiens et comédiennes, impeccablement dirigés : Imma Cuesta et Paco León (par ailleurs créateur de la série) portent presque à eux seuls la charge comique du récit, avec leurs joutes verbales délicieuses. Dans la peau d’Ava Gardner, enfin, l’actrice américaine Debi Mazar (vue dans la série Entourage, notamment) est troublante de réalisme, singeant à la perfection les manières d’une star consciente de l’aura qu’elle dégage. 

Esthétiquement, le choix du noir et blanc s’avère ici parfaitement justifié, en cela qu’il nourrit un double discours. L’absence de couleurs souligne en premier lieu, dans chaque plan, la rigidité extrême d’une société cloisonnée, vidée de sa substance humaine, où les individus sont soumis à un formatage des plus stricts. Mais elle permet aussi, subtilement, de mettre quelque peu à distance la réalité historique pour s’autoriser la satire avec plus d’aisance. En témoignent ces quelques libertés de ton franches que s’autorise Paco León, comme cette bande-son clairement rock et ce générique clippesque que l’on croirait presque sorti d’une sitcom américaine. Cette confrontation des formes et des styles attestent de la modernité de cette série. En se jouant de nos attentes et en tordant avec malice les codes classiques de la série, Paco León accouche d’un objet inattendu et unique, d’une grande intelligence et d’une jovialité communicative. 


Parce que l’esthétique singulière, en noir et blanc, souligne l’éclat et le décalage d’une vie libre et fastueuse dans une Espagne corsetée par le franquisme.

Voir la série

Articles recommandés

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *