Avec de grandes actrices et peu de moyens, Emma Dante incarne le sentiment éblouissant de la vie en famille.
Il y a une terrasse à Palerme où les colombes s’abritent et où vivent les sœurs Macaluso. Maria danse, Pinuccia aime, Lia lit, Katia arrange, Antonella observe. Il les regarde se battre, se maquiller, inventer leurs journées et repousser la misère. Antonella est la plus jeune et le monde de ses grandes sœurs tourne autour d’elle. Un jour d’été, ils l’emmènent « à Charleston », une mer privée où ils se baignent inconsciemment que la vie triche parfois. C’est un instant et Antonella devient leur erreur fatale, leur secret, leur remords.
Macaluso Sisters raconte l’histoire simple d’une famille qui vit une tragédie un jour d’été. Un jeu enfantin a dépouillé ce gynécium éblouissant de son cœur et maintenant il ne reste que la haine, le remords, la honte et au fond encore beaucoup d’amour. Cette marionnette suspendue, chevalier des contes légendaires, n’a pas suffi à protéger Antonella de la malchance. Mais l’opéra de marionnettes donne une dimension épique au combat quotidien de cinq sœurs à la vitalité irréductible.
Avec de grandes actrices et peu de moyens, Emma Dante surprend Palerme d’une fissure ou d’un trou, incarnant le sentiment éblouissant de la vie. La caméra capte les petits objets de l’enfance et ceux d’un matriarcat qui a mis le patriarcat à la porte, laissant les clés dans la serrure. Pour entrer, Pinuccia doit nous ouvrir la porte, nous devons gagner une place à table, une table dressée avec des roses et les « bons plats » des occasions spéciales.
Les ramener sur terre, c’est l’air physique et poignant de Gianna Nannini. La rouille dans la voix, il raconte une journée à la plage, surfant sur les vagues, la sororité et la « peur merveilleuse » d’être l’un à côté de l’autre. La lumière aveuglante de la Sicile et l’excitation des filles sont à leur comble lorsque le film tourne à la tragédie. Les plus jeunes d’entre elles ne reviendront jamais, sauf dans leurs rêves, pour passer du rouge à lèvres et demander une autre tablette de chocolat. Antonella reste comme une ombre à l’intérieur d’eux, comme l’empreinte que le mobilier laisse sur le mur, concentrant le rêve de tout un passé dans la poussière.
L’histoire d’une tragédie en trois temps et autant de saisons de la vie, Macaluso Sisters contient la vieillesse qui contient la jeunesse qui contient l’enfance de tempéraments pluriels et d’esprits partagés. D’éternelles filles sur qui le temps a fait son œuvre malgré tout. Alignés sur le visage du spectateur, ils luttent seuls contre la misère et en marge d’un pays en perte de vitesse. Elles sont toutes Pénélope, celle d’Oriana Fallaci armée et en guerre, dans ce territoire hostile qu’est la vie. Et devant nous s’écoule un spectacle débordant de la vie sur la mort, souvenir d’une journée d’enfance. Leur premier et peut-être unique jour à la plage.
PARCE QUE ce film est à l’image d’un coucher de soleil, beau et triste, majestueux, intense, éphémère.