Pourquoi regarder LES SORCIÈRES D’AKELARRE de Pablo Aguero ?

« Le premier film de sorcières sans sorcières »: c’est ainsi que le cinéaste argentin Pablo Agüero présente Les Sorcières d’Akelarre. Il y suit le calvaire de jeunes femmes accusées de sorcellerie en 1609. Cinq adolescentes et une enfant subissent des interrogatoires pour leur faire avouer leur commerce avec le démon dans ce film passionnant. Il joue la carte du réalisme pour montrer comment les femmes étaient alors persécutées. Le réalisateur de Première neige (2006), de 77 Doronship (2009), de Eva ne dort pas (2015) et du documentaire Madres de los Dioses a toujours souhaité centrer ses récits sur des personnages féminins.

C’est alors qu’il présentait Salamandra au Festival de Cannes en 2008 que Pablo Agüero a découvert La Sorcière, essai de l’historien Jules Michelet paru 1862 qu’il l’a bouleversé. Ce livre lui a donné envie de se mettre dans la peau des victimes des inquisiteurs. Il a commencé à écrire son film cette même année mais a mis longtemps à le financer car les producteurs trouvaient que cette histoire n’avait pas de résonance contemporaine.

Dans ce film, il dénonce la perversité des inquisiteurs en s’appuyant sur la réalité historique d’une juridiction qui a duré du XIIIe au XVIIIe siècle. Il met notamment en scène le juge Pierre de Lancre (1553-1651), magistrat qui a participé à la répression de la sorcellerie et qui a écrit plusieurs ouvrages sur ce sujet. Pablo Agüero s’est inspiré de ses témoignages pour écrire son scénario avec les conseils de l’historienne Nicole Jacques-Lefèvre qui a traduit le travail de Pierre de Lancre depuis l’ancien français.

Les Sorcières d’Akelarre aurait dû se passer en France si Pablo Agüero avait respecté la stricte réalité historique car Pierre de Lancre était français. Mais des contraintes financières ont poussé le cinéaste faire se dérouler l’action de son film dans le Pays Basque espagnol. Il a parcouru le territoire avec l’historien Claude Labat puis a peaufiné son scénario avec Katell Guillou car il souhaitait avoir un point de vue féminin sur son récit. Elle l’a notamment aidé à établir un parallèle entre les connaissances livresques et religieuses des inquisiteurs et le savoir plus concret des jeunes femmes éprises de liberté. Le cinéaste a souhaité éviter de s’apparenter au genre fantastique car il ne voulait pas donner la moindre légitimité à la chasse aux sorcières.

Ce qui intéressait Pablo Agüero était de montrer l’absurdité de procès où on obligeait les accusés à avouer un crime qui n’existe pas. Il s’est inspiré des méthodes de la police argentine et de celle de Calais qui l’a arrêté alors qu’il se trouvait en situation illégale sur le territoire français. Il a aussi pensé aux interrogatoires de la Stasi pour écrire des dialogues kafkaïens destinés à piéger les héroïnes. Ces femmes de marins passaient le plus clair de leur temps séparées de leur mari et avaient donc autant de pouvoir que les hommes de leurs villages, ce qui effrayaient leurs juges. Le réalisateur a conçu son film comme une bataille des Lumières contre l’obscurantisme.

Pour la scène de Sabbat, il s’est directement inspiré des récits de Pierre de Lancre qui était si obsédé par ce sujet qu’il faisait réellement danser et chanter ses prisonnières. Le choix de jeunes comédiennes a duré un an. Mille candidates bilingues, venues d’écoles municipales ou autodidactes, ont passé des auditions. Elles ont ensuite été logées ensemble pendant huit mois où elles ont été formées à la danse, au jeu et au chant. Le film a remporté 5 Goya, l’équivalent espagnol des César.


PARCE QUE ce film puissant trouve un écho troublant avec le monde contemporain en montrant comment des femmes innocentes ont pu être persécutées.

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