Pourquoi regarder STRAIGHT UP de James Sweeney ?

Si la comédie est une affaire de rythme, alors James Sweeney est l’un des meilleurs batteurs de mesure du cinéma. L’auteur, réalisateur et acteur, qui endosse les trois costumes pour son premier long métrage, Straight Up, lui insuffle une énergie extraordinaire. Mené tambour battant, le film suit Todd, jeune homme bourré de troubles obsessionnels du comportement, qui n’aime ni les fluides, ni les transports, ni que les aliments se touchent. Ayant une vie sexuelle proprement insatisfaisante avec les hommes qu’il rencontre, Todd, qui a tendance à transformer chaque sentiment en chiffre et chaque situation en statistique, en conclut qu’il n’est pas gay. Lorsqu’il rencontre Rory, jeune actrice en galère, il est persuadé d’avoir trouvé l’âme sœur. Tous les deux ont les mêmes références, le même débit de mitraillette, la même détestation des enfants. Surtout, les deux s’accordent sur une chose primordiale : on peut être en couple sans sexe.

Via ces deux personnages soignés, d’une finesse et d’une intelligence rares, James Sweeney jette une lumière drôle et crue sur les injonctions qui pèsent sur le couple. Il invite tour à tour à distinguer l’intimité de la libido, à s’interroger sur l’alchimie et sur les normes, autant de l’hétéro- que de l’homosexualité, sans jamais offrir de réponse définitive sur la capacité à s’affranchir de toutes les étiquettes qui collent à la peau. Au passage, Straight Up égratigne une Amérique qui se croit progressiste mais ne cesse de créer de nouveaux carcans, comme dans une scène embarrassante d’improvisation théâtrale qui se mue en tribunal du rire. James Sweeney n’a peur de rien, ni de faire de l’un de ses personnages racisés un raciste, ni de débiter des dialogues à une vitesse incroyable, en digne successeur de Woody Allen.

Ses répliques ciselées s’insèrent dans une mise en scène au cordeau. Le cinéaste place ses personnages dans des décors ultra-modernes dont la symétrie offre un formidable terrain de jeu, s’amuse des perspectives et renouvelle sans cesse le champ-contrechamp. Tout de couleurs pop vêtu, le film pourrait sembler trop systématique s’il n’y avait pas, toujours, cette grande cohérence : ici, la forme épouse parfaitement le besoin de contrôle de son héros.

Outre un amour démesuré pour Todd et Rory (magnifiquement interprétée par Katie Findlay), James Sweeney finit par emporter le morceau lorsqu’il se lance dans le tragique, soit le vrai révélateur de la comédie. De ces deux êtres épuisants, le réalisateur n’explore pas uniquement les références culturelles et les babillages incessants, mais aussi les peurs et les doutes. Se dessine alors, derrière l’humour survolté, un portrait bien plus émouvant des solitudes contemporaines, des angoisses à l’idée de n’être aimé par personne ou, pire encore, de n’avoir soi-même pas d’amour à donner.


PARCE QUE cette comédie hilarante au rythme effréné explore avec intelligence la pression sociale qui entoure le couple, et propose joyeusement de s’en affranchir.

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